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Je les ai rencontrés pour de vrai...

D'ordinaire, la nature humaine est trop complexement nuancée pour concentrer en un seul individu tous les traits génériques d'un archétype abstrait. Et des fois non.

Alléluia : le hasard des parcours m'a fait croiser la route d'archétypes pour de vrai incarnés. Et c'est assez curieux à voir. Des stéréotypes vivants dont je me propose de raconter les rencontres.

[NB : Les lieux, dates et prénoms ne sont évidemment pas précisés ; mais il est possible que les archétypes en question se reconnaissent dans leurs profils. Si tel était le cas...pardon ! ^^]

- J'ai rencontré...l'Esthète Branchouille

- J'ai rencontré...le Dadais Tête d'ampoule

- J'ai rencontré...l'Exotique Potiche

- J'ai rencontré...le Zikos Déglingos

- J'ai rencontré...le B.G. Égocentrique

- J'ai rencontré... le Rétro Méridional

- J'ai rencontré le VRP du Cul...

J'ai rencontré le VRP du Cul...

Par Le 19/04/2014

Le VRP du Cul s'appelle A.

1) Les circonstances

A., jeune loup hyperactif, est prof de salsa et étudiant en philo. J'ai deux pieds gauches, un sens du rythme très discutable et six ans de plus. Que tu es facétieux, Destin. A. se propose de m'initier à la bachata. Confiante dans ses talents pédagogiques et ne redoutant pas le ridicule, j'accepte.

NB : Mon inconscient a vraisemblablement amalgamé « bachata » et « mojito ».

2) Sa technique d'amorce ...

Parfois, les meilleures volontés du monde doivent céder face à l'évidence : je suis ultra naze. A, nullement déconfit par ma piètre performance bachatesque, me propose une promenade dans un parc. Dans mes cordes donc.

Nous parlons théâtre, philosophie allemande, théories communicatives et École de Palo Alto. Il évoque ses projets d'auto-entreprenariat en thérapies comportementales par la danse. Comme je ne suis au fond qu'une pimbêche d'intello, je commence à être troublée. Allons bon, je suis une cougar.

3) Les étapes de la drague ...

Nous nous revoyons à plusieurs reprises. Dynamique, sociable, sportif et intéressant, A. sait mettre à l'aise. Il semble connaître tout le monde et s'adapte souplement à toutes les conversations. J'en oublie presque sa sporadique pilosité de minet à peine pubère. Son apparence juvénile et angélique le rend quasi touchant.

Mais (l'inévitable mais), d'entrevues en confidences, je constate une curieuse métamorphose. La sociabilité d'A. se révèle calculs d'ambitieux, sa curiosité intellectuelle se teinte de condescendance, son affabilité masque une désagréable volonté de domination. Il parle des femmes comme autant d'objets de glorification personnelle, dont il tient minutieusement l'(abondant) compte. Mon chérubin philosophe n'est qu'un sous-Valmont à duvet.

Effarée, je me rends compte peu à peu que sa vie même repose sur un système rationaliste bien combiné d'offres et d'échanges, destinés à appuyer ses aspirations carriéristes. Effectivement, il s'y connaît en communication. Effectivement, c'est un très bon vendeur. Mais il a le coeur sec et les dents longues. Je ne le reverrai pas. De toute façon, je suis nulle en bachata.

4) Note d'efficience : 5/10

J'ai rencontré... le Rétro Méridional

Par Le 11/09/2013

Le Rétro Méridional s'appelle L.

1) Les circonstances...

Fraîchement exilé de sa cité phocéenne natale, le pauvre L., grand type sportif et soigné, ne connaît personne dans ses froides contrées d'accueil et traîne son accent pagnolien de bars en bibliothèques universitaires à la recherche d'un embryon de vie sociale. N'écoutant que mon humanisme (hum), je lui propose une oreille et un café.

2) Sa technique d'amorce...

Thésard en chimie, le dénommé L. offre un curieux syncrétisme : il a le sérieux et la rigueur propre-sur-elle du scientifique et l'élégance clinquante d'une cagole au masculin.

Après quelques cafés (qu'il insiste lourdement pour payer), il m'invite à dîner dans son mini-studio-de-thésard-sans-subvention. L'hétéroclite de l'individu m'intriguant, j'accepte (oui, mon humanisme flirte parfois avec l'insouciance).

3) Les étapes de la drague

A mon arrivée, L. se précipite pour m'aider à retirer ma veste. Son studio, au demeurant miteux, a été briqué de fond en comble et il a allumé des bougies. D'abord attendrie par sa touchante maladresse d'étudiant et ses attentions désuètes, je constate rapidement que son prétendu romantisme est un machisme m'as-tu-vu (il a cassé sa tirelire pour acheter du vin hors de prix mais il n'a que des verres en pyrex) et que sa maniaquerie ménagère frôle dangereusement la monomanie (il range mes chaussures dans un meuble à chaussures, ma veste dans le placard à vestes et ses boîtes de conserves sont alignées au cordeau).

Son accent ensoleillé et son dîner provençal ne parviennent pas à me mettre à l'aise. Il passe son temps à ramasser des miettes et pousse le paternalisme jusqu'à me faire un sermon sur la cigarette. Grave erreur. Je ne le reverrai pas (quand il aura trouvé un vaccin contre le cancer, on avisera).

4) Note d'efficience : 3/10

J'ai rencontré...le B.G. Égocentrique

Par Le 12/05/2013

Le B.G. Égocentrique s'appelle B.

1) Les circonstances...

Fraîchement séparée et bien déterminée à profiter de mon célibat, je puise allégrement dans le vivier de potes de mes potes/cousins/collègues/ex (je suis à l'époque un peu en manque dévergondée). A l'occasion d'une soirée estivale, je rencontre B., un ami de ma cousine, blondin idéalement sculpté et suprêmement idiot. Parfait. Déjà bien entamés, nous allons tous en boîte de nuit.

2) Sa technique d'amorce...

Comme B. n'a manifestement pas deux sous de conversation et que le lieu se prête de toute façon assez peu aux grands débats d'idées, il table sur une stratégie limpide : à savoir frotter lascivement sa musculature moulée d'acrylique contre moi pendant toute la soirée. L'amorce est cavalière mais efficace. Après tout, l'objectif est moins créatif que récréatif. Banco.

3) Les étapes de la drague...

Peut-on véritablement parler d'« étapes » dans la mesure où le but est atteint aussitôt que conçu ? Aucun de nous ne s'illusionne : les fallacieuses circonvolutions du flirt n'ont pas lieu d'être. Je cède bien volontiers - quoiqu'un peu lâchement. L'étreinte est aussi torchée que nous le sommes - insipide, brève, bâclée et aussitôt oubliée.

Bien évidemment, je ne compte pas revoir B. Mais l'épilogue est cocasse : un an plus tard, au hasard d'une soirée, je le recroise. Il se penche, me fait une bise distraite : « Enchanté, B. ». Cruelle avanie : B. ne se souvient plus de moi. Certes, ce n'était pas exceptionnel, mais quand même. Je n'ose pas lui rappeler ce piteux souvenir commun et l'évite toute la soirée.

4) Note d'efficience : 2/10 (pour mon petit orgueil tout meurtri).

J'ai rencontré...le Zikos Déglingos

Par Le 18/04/2013

Le Zikos Déglingos s'appelle L.

1) Les circonstances...

Le site de rencontres a encore frappé (mais des fois, je parle à des gens en vrai hein). L., sémillant, grande gueule et potache, enchaîne les blagues lourdingues, m'appelle « miss » et abuse de la ponctuation expressive. Au départ, c'est clair : c'est non.

Et puis, je me dis qu'il faut que j'arrête de faire ma pimbêche coincée des principes. Au pire, c'est une heure de perdue et une histoire à raconter. Rendez-vous pris dans un café en terrasse en fin d'après-midi.

2) Sa technique d'amorce

L. est en retard. Il déboule soudain, un kebab à la main, la tronche à l'envers, s'installe sans préambule. Il est piercé de partout, vient manifestement de se réveiller, commande un café en grognant et semble en conséquence moyen bien disposé à mon égard.

Au bout de vingt minutes, L. est plus détendu et cherche à me complimenter : « En fait, t'es beaucoup moins chiante et bourgeoise que t'en as l'air. » Ouhlà, un fin séducteur apparemment.

3) Les étapes de la traque...

Un phénomène très curieux se produit. L. est affreusement cynique et mal embouché, me taquine toutes les trois secondes en mode « je t'emmerde petite bourge », me déroule son C.V. d'ex-DJ hard-core et me raconte ses souvenirs de raves. Je devrais m'enfuir. Pourtant. Son aura délétère me fascine.

Le premier café en appelle un autre. Puis se transforme en bière(s), puis en verre(s) de vin, puis en restaurant, puis en discussions pâteusement exaltées jusqu'à quatre heures du matin. Nous nous racontons nos vies, nos malheurs, nos rêves, nous insultons les passants, nous faisons les petits cons, c'est délicieusement bête et régressif.

Je suis faible, je suis soûle, je cède. Plusieurs fois. Nous continuons à joyeusement nous insulter, nous prendre et nous déprendre pendant deux mois sans jamais se dire que finalement ça pourrait le faire. L. est paumé dans sa vie, il semble s'attacher. Pas moi. Je décide de ne plus le revoir. Trop déglingos pour moi. Dommage.

4) Note d'efficience : 6/10 (mais je suis un peu maso aussi).

J'ai rencontré...l'Exotique Potiche

Par Le 05/04/2013

L'Exotique Potiche s'appelle Z.

1) Les circonstances

Dans une pittoresque petite ville d'Andalousie où je finis mon semestre. Certes, à la base, c'est moi l'Exotique Potiche. Mais passons, on est tous l'Exotique d'un autre. A la bibliothèque de la fac, Z. , cils veloutés et P.C. en bandoulière, s'installe régulièrement à la même table que moi pour « travailler ».

2) Sa technique d'amorce

Au bout d'un mois à studieusement « travailler » l'un en face de l'autre, l'exotique Z. me lâche, serein et détaché au-dessus de l'écran de son P.C., qu'il préfère venir travailler à la B.U. des sciences humaines, parce qu'en sciences, elles sont quand même moins bonnes. Je lui fais répéter une demi-douzaine de fois (l'accent andalou, c'est quand même quelque chose) et je ne retiens qu'un mot : guapa. Ça doit être gentil ce qu'il me dit après tout. De toute façon, je suis pas trop sure d'avoir compris, je hoche niaisement.

3) Les étapes de la drague

Jouant à fond la surannée carte de l'exotisme, Z. me fait miroiter un chatoiement de festivités locales : tapas, guitarra, playa, vino, tortilla a su casa. Jusque là, je suis la démarche, mon vocabulaire à disposition restant favorablement cantonné aux matérialités pratiques. Mais je refuse virginalement, mon coeur est pris, bel andalou. Je capte un mot sur dix ; je ne peux toutefois me défendre d'un idiot mouvement d'attraction femelle : cet accent tout en roulement rauques et susurrements jaillissant au bord des dents est tout de même affriolant en diable.

Je coupe court et la poire en deux : je verrai Z. à la plage avec quelques unes de mes amies espagnoles. Et pis comme ça, j'aurai un avis extérieur. A l'issue de la (chaste) entrevue collective, le constat tombe, amer et définitif : c'est un con fini. Mon prince ibérique s'avère arrogant, infatué et intellectuellement fade. Tombée dans le panneau de l'accent. Je ne le reverrai pas. Et moi qui m'en foutais de rien comprendre.

4) Note d'efficience : 6/10.

J'ai rencontré...le Dadais Tête d'ampoule

Par Le 01/04/2013

Le Dadais Tête d'ampoule s'appelle R.

1) Les circonstances...

En femme désespérée moderne que je suis, il m'est arrivé de m'inscrire sur un site de rencontres. Par curiosité bien légitime uniquement (oui, bon, hein). J'y ai rencontré R., en tous points parfait – drôle, discrètement ironique, spirituel, cultivé, pudique et respectueux. Louche.

Après un bon mois d'échanges virtuels à rivaliser d'érudition et d'humour (si,si), nous nous rencontrons enfin dans une brasserie quelconque.

2) Sa technique d'amorce...

Alors que sa première approche virtuelle s'était révélée agréablement piquante et insolite, l'amorce réelle a consisté en un incompréhensible bégaiement assorti d'une bise maladroite et embarrassée. Allons bon. Je note également avec une certaine déception (honte à ma bassesse) que le bellâtre en noir et blanc s'est mué en grand rouquin emprunté pas forcément gâté. Allons bon bis.

3) Les étapes de la traque...

Il faut bien cinq minutes au dénommé R. pour réussir à décrocher un mot et à me regarder dans les yeux. Il tapote nerveusement des doigts sur la table, tournote sa bière, se dérobe et transpire. Le pauvre semble au bord de la fuite ou de la spasmophilie. Toutes mes ressources de joviale sociabilité et de bienveillante douceur y passent pour le décoincer et le mettre à l'aise. En vain. Je parle toute seule.

La conversation se dégèle peu à peu. Jeune médecin brillant, R. m'éblouit par la richesse de sa culture. Malingre pataud rouquin, il me désespère par sa déconcertante gêne qui n'en finit plus. Les minutes passent, j'ai l'impression d'être sa mère - niveau zéro du flirt. Je n'ose pas même croiser les jambes de peur de l'effaroucher de trop de féminine impudence. Malgré sa grande richesse intérieure, je ne le reverrai pas. Pas mon truc de jouer les initiatrices...

4) Note d'efficience : 2/10

J'ai rencontré...l'Esthète Branchouille

Par Le 01/04/2013


L'Esthète Branchouille s'appelle S.

1) Les circonstances...

A l'heure de l'apéro, dans un petit restaurant parisien de cuisine traditionnelle quasi désert. S. y est serveur. J'y suis cliente.

2) Sa technique d'amorce...

Le dénommé S. apporte à mon amie et à moi-même, pour la troisième fois et de sa propre initiative, une coupelle de bretzels. Ma biture débutante (trois apéros dans le nez à vue d'estomac) m'invite alors à m'enthousiasmer (manifestement, un peu trop haut) sur le zèle de cet affable serveur qui devance décidément tous mes désirs. Ce à quoi le sus-dit serveur rétorque d'une voix chaude et caverneuse qu'il est prêt à devancer tous les autres. Ah. Au moins, c'est carré, on sait où on va.

3) Les étapes de la traque...

Hop, pas de chichis : les numéros sont réciproquement échangés sur une serviette de table en papier. L'alcool émoussant ma méfiance et mon jugement, j'accepte le rendez-vous donné par S. pour le lendemain, son jour de congé, pour aller boire un verre dans un quartier pittoresque et touristique qui pue le stéréotype romanesque.

En civil, S. le Serveur s'avère être un charmant bohême sans âge (bon quand même, la barbe de quinze jours grisonne pas mal), décontracté et placidement volubile. Son faux air de Johnny Depp me séduit (faible que je suis) et j'écoute attentivement, telle une dinde conquise, ses aléas professionnels, et que la restauration c'est provisoire, et qu'il écrit dans sa chambre de bonne, tous un tas de projets, mais que tu vois le monde de l'édition, c'est tous des chacals de toute façon, personne ne comprend mon travail.

C'est long et geignard. Il a une belle voix et des fossettes adorables mais quand même, le coup du tu ressembles traits pour traits à l'héroïne de mon dernier scénar et sinon j'adore tes pommettes, c'est tout de même un peu gros. Les verres se succèdent, ses litanies s'étirent, il s'écoute parler, je n'en place pas une et je m'ennuie. Je ne le reverrai pas. En cas de solitude, à la rigueur.

4) Note d'efficience : 5/10 (et encore, je suis indulgente uniquement à cause d'une certaine ressemblance).