L'Esthète Branchouille s'appelle S.
1) Les circonstances...
A l'heure de l'apéro, dans un petit restaurant parisien de cuisine traditionnelle quasi désert. S. y est serveur. J'y suis cliente.
2) Sa technique d'amorce...
Le dénommé S. apporte à mon amie et à moi-même, pour la troisième fois et de sa propre initiative, une coupelle de bretzels. Ma biture débutante (trois apéros dans le nez à vue d'estomac) m'invite alors à m'enthousiasmer (manifestement, un peu trop haut) sur le zèle de cet affable serveur qui devance décidément tous mes désirs. Ce à quoi le sus-dit serveur rétorque d'une voix chaude et caverneuse qu'il est prêt à devancer tous les autres. Ah. Au moins, c'est carré, on sait où on va.
3) Les étapes de la traque...
Hop, pas de chichis : les numéros sont réciproquement échangés sur une serviette de table en papier. L'alcool émoussant ma méfiance et mon jugement, j'accepte le rendez-vous donné par S. pour le lendemain, son jour de congé, pour aller boire un verre dans un quartier pittoresque et touristique qui pue le stéréotype romanesque.
En civil, S. le Serveur s'avère être un charmant bohême sans âge (bon quand même, la barbe de quinze jours grisonne pas mal), décontracté et placidement volubile. Son faux air de Johnny Depp me séduit (faible que je suis) et j'écoute attentivement, telle une dinde conquise, ses aléas professionnels, et que la restauration c'est provisoire, et qu'il écrit dans sa chambre de bonne, tous un tas de projets, mais que tu vois le monde de l'édition, c'est tous des chacals de toute façon, personne ne comprend mon travail.
C'est long et geignard. Il a une belle voix et des fossettes adorables mais quand même, le coup du tu ressembles traits pour traits à l'héroïne de mon dernier scénar et sinon j'adore tes pommettes, c'est tout de même un peu gros. Les verres se succèdent, ses litanies s'étirent, il s'écoute parler, je n'en place pas une et je m'ennuie. Je ne le reverrai pas. En cas de solitude, à la rigueur.
4) Note d'efficience : 5/10 (et encore, je suis indulgente uniquement à cause d'une certaine ressemblance).